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Blog de Sonia Sarah Lipsyc
12 mai 2017

ÊTRE UNE FEMME, ÉTUDIER ET ENSEIGNER LE TALMUD

ÊTRE UNE FEMME, ÉTUDIER ET ENSEIGNER LE TALMUD

ENTRETIEN AVEC WENDY AMSELLEM PAR SONIA SARAH LIPSYC

Wendy Amsellem

Wendy
Amsellem

Dr Sonia Sarah Lipsyc

Sonia Sarah Lipsyc

Dr Sonia Sarah Lipsyc est rédactrice en chef du LVS et directrice de Aleph – Centre d’études juives contemporaines.

Pourriez-vous nous parler de votre expérience dans les études juives : où avez-vous étudié, quels étaient les cours que vous avez suivis ? Et qui sont les maîtres dont vous vous êtes inspirée ?
J’ai étudié dans une école de jour (Académie hébraïque de Five Towns et Rockaway) pour l’école élémentaire et l’école secondaire. Je suis ensuite allée en Israël à la Midreshet Lindenbaum 1 pour étudier pendant un an. Je suis retournée à Harvard College où j’ai pris quelques cours d’études juives, mais je me suis spécialisée dans l’Histoire et la Littérature de l’Amérique. Ensuite, j’ai étudié pendant trois ans dans le cadre d’un programme de Talmud et de Halacha (loi juive) au sein de l’Institut Drisha 2.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’étudier le Talmud ?
J’ai commencé à apprendre le Talmud en sixième année au cours de ma scolarité et j’ai toujours aimé ça. J’avais des professeurs inspirants au lycée et au-delà qui ont approfondi mon amour pour le Talmud.

D’où vient votre famille ?
La famille de mon père est d’origine marocaine, mais ils ont déménagé à Oran, en Algérie juste avant sa naissance. Il a grandi en Algérie. Cependant à l’âge de vingt ans, lorsque l’Algérie est devenue indépendante, lui et sa famille se sont installés en Israël. Ma mère est ashkénaze et incarne déjà la  troisième génération en Amérique.

Que diriez-vous aux gens de notre communauté sépharade qui pourraient être perplexes ou même penser qu’il est impossible pour une femme d’étudier le Talmud ?
Ce n’est certainement pas impossible et je pense qu’il est important que les femmes aient accès à tous les textes riches de notre tradition. Tant de nos lois et traditions sont basées sur et codifiées dans le Talmud, il serait triste de garder la moitié de notre population ignorante de celui-ci.

Où enseignez-vous ?
J’enseigne à Drisha et à la Yeshivat (école talmudique) Maharat 3 à New York.

Selon vous, quels sont les principaux changements dans la communauté orthodoxe, notamment en ce qui concerne l’évolution de la condition féminine ?
Le nombre de femmes qui reçoivent la semicha (ordination rabbinique) 4 aujourd’hui et qui trouvent des emplois à la tête de la communauté juive est enthousiasmant et fait avancer la communauté de façon positive.

Pouvez-vous vous définir comme une orthodoxe moderne et une féministe orthodoxe juive ?
Sûr ! 5

Quel est votre héritage sépharade et comment l’intégrez-vous à votre vie new-yorkaise – si tel est le cas ?
Mon héritage sépharade trouve son expression la plus claire lorsque je rends visite à ma famille marocaine en Israël. Si j’ai la chance d’être là-bas pour la fête de Pessah, j’aime participer à la mimouna 6 de notre famille. Ma sœur Addie, vit en Israël et nous essayons de nous rendre ensemble à la synagogue pour faire des sélitchot 7 aussi souvent que nous pouvons durant le mois hébraïque de Eloul. Si je suis à New York, Addie m’appelle parfois au cours de cette période pour que nous puissions chanter ensemble notre piyyut (poème liturgique sépharade) préféré. En septembre dernier, Addie s’est mariée et nous avons tous aimé nous habiller en costumes marocains et nous mettre du henné. Quand mon père est décédé il y a deux ans, j’étais inquiète que notre famille et la synagogue marocaine près de leur maison à Ashdod prêtent attention et respectent ma décision de dire le kaddish 8, mais ils y ont été généralement favorables.

 

 Notes:

1.La Midreshet Lindenbaum, (Jérusalem), anciennement Michelet Bruria, fondée en 1976 par le rabbin Chaim Brovender, a été l’un des premiers instituts, dans le monde orthodoxe moderne,  à proposer aux femmes des études de Talmud de haut niveau. Il a également mis sur pied une formation pour des femmes souhaitant être avouées rabbiniques et ainsi accompagner d’autres femmes au Tribunal rabbinique, notamment pour les affaires de divorce. Voir http://www.midreshet-lindenbaum.org.il/ Toutes les notes sont de la rédaction

 2. Drisha a été fondé en 1979 à New York par le rabbin orthodoxe moderne David Spilber. Voir http://drisha.org/

3.Il s’agit d’une yeshiva qui prépare les femmes à être MaHaRat acronyme de manhiga hilkhatit rouhanit Toranit, soit guide en matière de loi, spiritualité et Torah. En 2009 le rabbin Avi Weiss représentant la sensibilité « open modern orthodox » a ordonné la première femme MaHaRat, Sara Hurwitz actuellement doyenne de cette yeshiva. À Montréal, la Congrégation Shaare Shamayim a engagé, en 2013, la MaHaRaT Rachel Kohl Finegold. Voir http://www.yeshivatmaharat.org/

4.Le titre de MaHaRaT équivaut à une ordination rabbinique. Il faut relever aussi que dès le début du XXIe siècle, il existe des exemples de femmes orthodoxes (Mimi Feigelson, Eveline Goodman-Thau,  Aviva Ner David) ayant reçu une ordination rabbinique de la part de rabbins orthodoxes respectivement par les rabbins Shlomo Carlebach, Jonathan Chipman et Strikovsky. Sur l’ensemble de ce sujet notamment en Israël, voir l’article du jeune leader sépharade Gabriel Abensour, « L’émergence    d’un leadership féminin orthodoxe en Israël ». http://www.modernorthodox.fr/leadershipfeminin/

5. Il existe deux Forums importants de femmes juives orthodoxes et féministes : JOFA fondé en 1997 aux É.-U. et KOLECH, créé en 1998 en Israël. Voir https://www.jofa.org/ et https://www.kolech.org.il/en/

6.Est-il besoin de faire une note à ce sujet ? Alors pour les non initiés, le soir à l’issue de la fête de Pessah, dans les communautés juives d’Afrique du Nord et particuliè-rement marocaines, l’on mange, entre autres,  du couscous et des moufletas (crèpes) en se rendant d’une maison à l’autre.

7.À partir du début du mois hébraïque de Eloul et jusqu’au Yom Kippour (Grand pardon), les Juifs sépharades lisent ces demandes de pardons

8.Prière dite notamment par les endeuillés

Cet entretien est initialement paru sur dans le LVS, Avril 2017, (La Voix Sépharade), le magazine de la communauté sépharade du Québec et mis en ligne sur  le site du  LVS.
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